Au coeur du système fiscal absolutiste se trouve l’exemption nobiliaire d’impôts, une institution dont l’importance est si généralement reconnue qu’elle en est trop souvent tenue pour acquise. Pourtant, cette exemption a une histoire. C’était une construction juridique contestée, soumise à des fluctuations constantes, ainsi qu’un objet de conflits qui reflétait la relation dynamique entre la couronne, la noblesse et le tiers état. Cet article analyse l’histoire conflictuelle de cette institution en Provence des années 1530 à la Révolution. L’exemple provençal suggère quelques points à réviser parmi les interprétations les plus généralement admises de l’absolutisme. En premier lieu, on y trouve des preuves que la monarchie n’a pas forcément cherché à régner par l’entremise des nobles locaux. Il remet aussi en question l’idée que l’administration absolutiste voulait vaincre la résistance des intermédiaires traditionnels afin de pénétrer plus profondément la France provinciale. Il permet d’envisager que, en semant la discorde entre les élites provinciales, les exigences fiscales royales créèrent – involontairement – une pléthore de disputes internes, qui sapa la cohésion provinciale et poussa les élites régionales divisées à réclamer l’arbitrage de la monarchie.